Le vitiligo m’a poussé à me connaître un peu mieux, aussi, à être plus douce envers moi.

illustration femme du mois vitiligo

J’ai découvert cette maladie sans en connaître ni l’origine ni le nom, avec ma grand-mère.

En remontant un peu, Patricia nous parle pour commencer, de sa grand-mère maternelle. Elle avait le vitiligo et était très dépigmentée. Elle l’a donc découvert très tôt, mais sans en connaître ni l’origine, ni le nom. Elle était impressionnée par son apparence physique, différente des autres, mais elle l’avait toujours connu comme ça.

Elle vivait à l’Île de la Réunion, et donc, Patricia ne la voyait pas souvent. Elle ne (se) posait pas plus de questions que ça. Elle se rappelle que, ce qui la laissait le plus perplexe, c’était de ne pas savoir dire si elle était claire ou mate de peau. C’était vraiment 50/50.

Son papa avait aussi une mèche de dépigmentation, à l’arrière des cheveux, depuis qu’il était tout jeune. Mais à l’époque, tout le monde prenait ça comme un signe particulier. C’est très récemment qu’elle a fait le lien et qu’elle en parle aujourd’hui par rapport à l‘hérédité.

Illustration © Vitiligoandlife

Ce qui est étrange, c’est que les taches montent sur mon cou, mais de manière très esthétique, comme des dessins.

Patricia revient dix ans en arrière pour nous raconter sa première tache. Sous l’aisselle gauche. Au début, elle a pensé que c’était le déodorant qu’elle utilisait, réputé pour être fort pour la peau. À l’époque, les pharmaciens préconisaient de faire attention et d’arrêter si on avait des réactions. Son vitiligo ne s’est pas spécialement développé durant les cinq premières années.

Elle a eu une seconde tache sous l’aisselle droite par la suite, puis des petits points blancs sur le corps. Son dermatologue qui la suivait déjà depuis des années, a posé le diagnostic du vitiligo mais lui a très rapidement expliqué qu’il avait arrêté de proposer des traitements. Trop de déceptions d’autres patients.

Notre #vitiligoqueen du mois de décembre confie à ce moment-là qu’elle pense que c’est arrivé suite à un choc émotionnel. Sans savoir si elle pouvait appeler ça la crise de la quarantaine. Elle se rappelle qu’à l’aube de ses 40 ans, elle n’était pas bien dans sa peau.

“Je me cherchais, je n’étais pas bien avec mes émotions, pas bien dans ma vie tout simplement. C’était une période très compliquée et je suis persuadée que ma maladie était- est liée à mon état émotionnel. Très intéressée par la question du sens, je savais déjà que quelle que soit la maladie, elle n’arrive pas par hasard.

Patricia

En effet, Patricia avoue qu’au niveau professionnel, depuis à peu près 4 ans, la vie et la gestion de son entreprise n’était pas facile à vivre pour elle. Avec la COVID, les responsabilités, comme le fait de devoir se séparer de certaines personnes, ont été très impactant au niveau émotionnel.

Illustration © Vitiligoandlife

Je me dis que c’est comme des tatouages, sauf que je ne les ai pas décidé. Ils s’installent là où ils ont envie de s’installer.

Les taches se sont développées très rapidement à cette époque-là, et ça été pour elle très très très difficile à vivre. Autant sous les aisselles, elle ne les voyait pas, mais les mains, on les a devant soi en permanence. Elle se souvient s’être dit que c’était comme si la maladie lui sait : ” oh ça y est ! Je suis là ! Juste sous ton nez“.

Le premier été a été très compliqué avec le bronzage. Depuis un an, elle a également d’autres taches qui se développent au niveau du coup. Elles se sont pas mal étalées. Mais ce qui est bizarre, c’est qu’elles évoluent comme un dessin.

Patricia se rappelle que dans les années 80, les tatouages étaient relativement discrets. Aujourd’hui, elle voit des personnes tatouées sur tout le corps et voit désormais ses taches comme des tatouages qui font leur vie. Ce n’est pas elle qui décide quand ils apparaissent, ni où ils s’installent.

Lorsque j’ai demandé à Patricia si elle avait déjà envisagé ou essayé un traitement, elle me répond que tous ces témoignages de gens déçus l’ont toujours découragée. Elle ne voulait pas être déçue et en plus, elle n’aimait pas trop prendre des médicaments. Elle s’est toujours dit qu’elle prendrait un traitement si elle arrivait à un point où ça deviendrait insupportable.

Son cheminement? Elle l’explique en nous citant d’abord deux choses qui l’ont aidé et qui l’aident au quotidien. D’abord, que le meilleur remède, c’est l’acceptation. Et c’est ce qu’elle essaye de mettre en place au quotidien dans sa vie, pour elle-même. Très attachée au développement personnel, en lien avec son activité professionnelle, la question centrale de son travail personnel tourne autour de la question : Comment m’accepter?

Ensuite, elle aime regarder le site de l’Association Française du Vitiligo et leurs dernières publications qui lui donnent de l’espoir. Je garde en tête l’espoir prometteur d’un traitement efficace d’ici sept ans. Le mot maladie a une signification, mais lorsque Patricia le découpe en trois : le mal-a-dit, il prend tout son sens, d’un coup.

Illustration © Vitiligoandlife

C’est peut-être une expérience que j’ai à vivre, aussi, pour me faire comprendre notamment qu’il faut que j’aille au delà de mon apparence.

Patricia est en train de devenir coach en entreprise, mais aimerait également exercer à titre individuel. Cette reconversion professionnelle, qui n’en est pas vraiment une, est une réelle transformation identitaire pour elle. Dans ce domaine, il n’est plus du tout question de notre apparence physique mais de nos ressources intérieures, comprendre comment on fonctionne.

Si on va plus loin que la notion d’apparence, on soulève des questions beaucoup plus essentielles. Patricia se rappelle qu’une de ces questions qu’elle a dû se poser et dépasser était : Est-ce que les personnes, en voyant mes taches, auront envie de se faire accompagner par quelqu’un qui est taché?

Le regard des autres est tellement dérangeant parfois, il peut te donner l’impression d’être jugé. Mais en réalité, personne ne cherche une Wonder-Woman pour l’aider face à ses blessures, ses difficultés. Et être en face de quelqu’un qui vit avec ce genre de maladie, peut au contraire, donner encore plus confiance. On peut s’imaginer une sensibilité, un parcours, une empathie.

Illustration © Vitiligoandlife

Ce côté “sois forte, mènes tout de front”, c’est une illusion. C’est bien de penser aussi un peu à soi.

Patricia en est à sa sixième reconversion professionnelle. Tous les sept ans, elle adore repartir de la page blanche. Cette année est une année de transition pour se former. Elle prend le temps de savourer cette liberté retrouvée, pour se (re)connecter à elle. Pour travailler sur elle et choisir cette nouvelle activité professionnelle qui se dessine. Le coaching.

Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander si elle pensait que le vitiligo, en tout cas le cheminement dans l’acceptation et son rapport à soi, avait joué sur le choix précis de cette reconversion professionnelle. C’est une bonne question, m’a t-elle répondu. Les autres se demandent souvent ce qui lui a pris : elle a largué une boîte qui marchait bien, elle pris le risque de tout perdre en recommençant a zéro. Alors Pourquoi?

Patricia ne parle jamais du vitiligo, mais des choses qui lui sont arrivées dans sa vie personnelle. Comme la mort de son papa en 2017 qu’elle avait accompagné tout au long de sa maladie. Elle a, comme toujours, beaucoup réfléchi au sens de la vie et à celui qu’elle voulait donner à la sienne. Il n’est pas impossible qu’elle fasse plus tard les liens entre son nouveau métier et son vitiligo.

Merci à Patricia pour ce témoignage poignant, sincère, tout ce que nous avons à lui souhaiter, c’est qu’elle continue de s’épanouir le plus possible. Si comme Patricia, vous avez envie de nous raconter votre petite histoire et quotidien avec la maladie, n’hésitez pas à nous écrire 🙃👌

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Je me considère comme “normale”, du moins “plus normale” qu’avant.

Candice n’avait pas encore 19 ans quand j’ai eu la chance de m’entretenir avec elle. Atteinte de vitiligo depuis la maternelle, la maladie a beaucoup évolué entre ses six et huit ans. Avec le temps, elle avoue avoir pris l’habitude de se présenter en parlant de son vitiligo directement, car il fait partie d’elle depuis presque toujours.
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